Sophie, psychologue du travail & coach

Selon toi, les femmes ont-elles un rapport au travail différent de celui des hommes ?
 
Non, sauf que.
 
Non, parce qu’il suffit de jeter un œil dans les transports en commun pour voir que globalement du lundi au vendredi, hommes et femmes travaillent.
Non, parce que le travail est un pilier identitaire chez tous. En témoigne la classique question « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » 
Non, parce que lorsqu’on est en difficulté, le premier domaine qui est remis en question c’est le travail, qu’on soit un homme ou une femme. 
 
Sauf que.

En entretien de recrutement, on ne demande jamais à un homme « Et si vous avez un enfant, vous comptez retravailler après ? ». (Illégal et très courant.)
Une femme négocie moins son salaire qu’un homme, d’après une étude KPMG en 2019.
La pertinence de l’intervention d’une femme en réunion peut être occultée par un simple « sa robe m’a déconcentrée ». (Illégal bis. Mais la pression implicite est bien là.)
Plus on monte dans la hiérarchie d’une entreprise, moins il y a de femmes. (Et plus on descend…)


Toutefois, notre représentation sociale de la réussite, marquée au fer rouge par le modèle masculin en cravate est aussi vicieuse pour les hommes. 
A celui qui se sent obligé de grimper les échelons en camouflant sa vulnérabilité,
A celui qui oubliera son rêve d’un métier de soin car ce n’est pas un métier d’homme,
A celui à qui on déconseillera telle voie pas assez rentable financièrement,
A celui qui n’osera pas prendre une journée de congé pour un enfant malade par peut d’être jugé par ses collègues,
ça pèse aussi. 
 
En quoi l’épanouissement professionnel des hommes et des femmes diffère ? 
 
Honnêtement, il y a plus de points communs que de différences. 
Chez tous, on retrouve la peur de se tromper avec un mauvais choix de carrière qui serait amèrement regretté par la suite. Il y a également le besoin de sens, de pouvoir percevoir son utilité, quel que soit son domaine professionnel. Le besoin de reconnaissance est très présent bien que ses manifestations diffèrent. Schématiquement, les femmes cherchent plus une approbation là où les hommes cherchent davantage une récompense matérielle. D’ailleurs, le doute semble plus présent au quotidien chez les femmes. J’observe qu’elles se jugent souvent plus durement que les hommes.
 
Mais la différence majeure c’est lorsque la maternité entre dans la vie d’une femme. Cela vient questionner son identité globale et le travail n’y échappe pas. Certaines choisiront de quitter un travail rémunéré pour se consacrer au travail à la maison. Pour ma part, celles que je rencontre en coaching sont dans le monde du travail rémunéré ou cherchent à le rejoindre.  Souvent appelées « working mum » sur les réseaux sociaux, leur maternité est un élément essentiel de leur identité professionnelle. 


Au-delà de l’équilibre temps de travail / temps personnel, j’observe l’envie de transmettre un message valorisant sur le travail. La réflexion « Je ne veux pas sacrifier du temps avec ma fille pour un travail inutile » ou « Je veux montrer à mes enfants qu’on peut aimer son travail » est souvent à l’origine d’une démarche de coaching chez mes clientes, ce que je n’ai jamais entendu de la part d’un homme. 
Et l’inclusion de leurs enfants dans leurs réflexions professionnelles reste présente tout au long de leur carrière. Je me souviens de cette femme brillante, mère de 3 enfants à qui on proposait un poste de Directrice générale adjointe d’une entreprise de 300 personnes. Elle était en plein doute sur sa capacité à gérer la charge de travail et sa famille, et son boss de lui répondre « Un homme ne se serait jamais posé cette question ». Criant de vérité.


Quelles sont les attentes des jeunes femmes de notre génération quant au travail ? 

 
La priorité c’est de pouvoir se réinventer. Avoir un métier versatile qui permette de s’accomplir en variant ses missions et en développant ses compétences selon ses aspirations. 

Trouver et surtout vivre, ce fameux équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, pouvoir s’investir pleinement dans l’un comme dans l’autre, sans être esclave de quiconque. 
 
Être acceptées et reconnues dans leurs compétences et leur rythme. Que lorsqu’une vulnérabilité personnelle se présente, elles ne soient pas comparées à l’homme mais acceptées en tant que telles. 
 
Et pour celles qui sont mères, j’ajouterai la flexibilité logistique pour pouvoir s’occuper de leurs enfants tout en restant performante et l’accompagnement du congé de maternité dans sa globalité (annonce et reprise du travail). Assumons-le : c’est une rupture difficile dans la dynamique d’une organisation à court-terme mais au niveau collectif, c’est un futur travailleur !


Merci infiniment Sophie.

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