« On s’est perdues de vue. »

« On s’est perdues de vue. »

Cette phrase date des années 90, quand on s’appelait encore sur un fixe (« elle ne doit pas être chez elle… ») et qu’on s’écrivait des lettres (« j’ai dû perdre son adresse ! »).

Elle décrit un phénomène courant des relations humaines : deux êtres se croisent, cheminent quelques temps ensemble puis se séparent, à la croisée des chemins. Pour se retrouver plus tard ?

Quiconque a déjà randonné à Compostelle ou ailleurs connaît ce phénomène. On se rencontre, on échange au fil des pas puis on se dépasse et on se perd. On se retrouve bien souvent à l’étape suivante, fourbus, souriants. Le chemin parcouru nous relie.

Qu’elle soit ancienne ou nouvelle, légère ou fusionnelle, toute amitié requiert une forme de liberté. Ce respect de l’intimité de l’autre, cette estime pour les étapes qui lui sont difficiles, cette générosité pour se réjouir de ses victoires.

Cette disponibilité aussi, pour se mettre au pas de celle qui peine, porter un sac trop lourd, avoir un échange vrai. Puis repartir, d’un pas léger, sur son propre chemin.

Aujourd’hui WhatsApp a remplacé les fixes, l’adresse mail reste la même : on ne se perd plus de vue. Alors l’amitié a vite fait d’être consommée, instantanée, optimisée, performante. Être réactive, informée. Avoir un avis, une utilité. Réagir plutôt qu’agir, parfois.

Dès lors, comment extirper les précieuses confidences d’une amie du flux des injonctions quotidiennes ? Comment ménager de véritables espaces d’écoute et de disponibilité ? Comment préserver l’indispensable gratuité de l’amitié ? Comment cheminer côte à côte avec complicité et fidélité, mais aussi confiance et pudeur ?

Comment construire et vivre de libres amitiés ?

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