À toi, la mère,
Dimanche soir, 20h36, enfants couchés. Et cette question lancinante dans ma tête, « à quoi bon ? ».
À quoi bon ce week-end fait d’enfants geignards et de moments de tension ? À quoi bon cet épuisement routinier et tenace ? À quoi bon répéter chaque jour les mêmes gestes, lever, habiller, nourrir, encore et encore ? À quoi bon cette volonté de construire quelque chose à tout prix ?
N’aurait-on pas mieux fait de ne jamais avoir d’enfants, de partir sac au dos, cheveux au vent, vivre réellement libres ?
Libres.
Et moins fatigués.
Alors, à quoi bon ?
Cette question me donne le vertige. Remet tout en cause. M’étouffe aussi, parfois.
Et puis, je me souviens de tous ces détails de mon enfance. D’une histoire que nous lisions. Des dictées de mon père. Des balades en forêt. Des expressions de ma mère. De ce bidule posé sur mon étagère dont j’ai perdu la trace.
Et je remarque que nous sommes plus émus devant un souvenir que devant un grand rêve. Devant une marque de gâteaux oubliée que devant tous les paysages de la Terre. Que l’homme le plus grand plie le genou pour se souvenir de cette odeur, de ce goût, de ce truc qui lui échappe et qu’il ne peut pas mettre en boîte.
Alors, je me dis que c’est ça la vie. C’est surtout ça, même. Ce quotidien. Ces petits riens qui construisent notre cathédrale familiale et personnelle. Ce dont ils se souviendront demain et sur quoi ils prendront racines.
Alors, à toi la mère fatiguée du dimanche soir, je réponds pour toi à ma question.
« – À quoi bon ?
– pour rien, mais surtout pour tout. »
Mélie
Mélie, à toi la mère
