Marine, « l’engagement libère »

Marine a 39 ans. En couple depuis 20 ans, 4 enfants, un mariage et plusieurs chapitres de vie plus tard, elle nous livre son témoignage. Et nous montre que OUI, s’aimer longtemps est possible !



Quels sont les défis que vous rencontrez en tant que couple ?
 
 
De prime abord, je pourrais penser aux défis un peu spectaculaires que l’on a traversés, comme pas mal de couples finalement, tels que notre rencontre très jeunes (19 ans), deux ans d’amour à distance, puis le fait d’avoir emménagé à deux, d’avoir fait toutes nos études en vivant ensemble, de s’être lancés dans la vie active, d’avoir eu un premier enfant, quitté une situation « prometteuse » à Paris pour partir à Nice, fait 4 enfants de manière assez rapprochée, et enfin que mon mari ait créé son entreprise pendant ma quatrième grossesse avec toutes les inconnues qui allaient avec, un petit confinement par-dessus le marché avec l’école à la maison, le CP, un petit à surveiller !… 

Des occasions de se disputer, de ne pas évoluer de la même façon, d’avoir envie de baisser les bras… on peut en trouver des tas !

Mais finalement, ces défis, ce sont des aventures que l’on a choisies (bon, sauf le confinement, hein)… et comme on est plutôt du genre à aimer les défis… ce ne sont peut-être pas ceux qui nous ont paru les plus difficiles, avec le recul… mais les plus excitants !

Le plus grand des défis, je crois, c’est finalement quand il n’y en a pas tant que ça… c’est la vie quotidienne, le jour sans fin que représente le fait d’élever des enfants…. Quand ils sont tout bébés, qu’on manque de sommeil au quotidien, mais aussi plus grands, qu’on a l’impression de devoir répéter un millier de fois par jour les mêmes gestes, les mêmes paroles, les mêmes devoirs à faire le soir, les repas à préparer tout le temps… et puis la fatigue du quotidien, le boulot, les mercredis dans les pattes… En fait on réalise, en tant que parents, que ça dure des mois, des années, et des années.

Et ça, ça me parait être le plus gros et le plus beau des défis : supporter la vie quotidienne, la vie de famille. Et si possible la rendre plus que supportable : essayer de la faire belle, optimiste, drôle, riche, intéressante, fun, harmonieuse. Avec du plaisir chaque jour. 

C’est vraiment LE travail, LE défi du couple parental. Celui qui nous lessive mais qui nous donne aussi énormément de force : qu’on aime plus que tout, qui donne le sens à tout. C’est « tout simplement » le fruit de notre engagement. On le prend donc très au sérieux… et on sait que baisser les bras n’est tout simplement pas une option.
 
 
Dans ces difficultés, qu’est-ce qui a consolidé votre couple et fait sa particularité ?

Je pense que notre couple est relativement solide (on croise les doigts) parce qu’on y travaille sans relâche. On sait aussi que rien n’est acquis, on voit très bien le nombre de divorces autour de nous, on est lucides sur le risque qui plane sur les couples en 2021, y compris le nôtre.

En fait, on fait passer notre engagement au-dessus de tout, et tout le temps. On s’est engagés (par le mariage, un peu sur le tard après nos premiers enfants, mais c’était déjà le cas avant) au sens strict du terme. C’est-à-dire qu’on fait tous nos choix en fonction de ça, en s’y donnant à fond … choix financiers, professionnels, familiaux.

On ne se garde pas dans un coin de la tête la « possibilité » de divorcer si ça ne va pas, pas de « filet de sécurité » pour reprendre notre « liberté »… non, on se donne à fond dans le choix qu’on a décidé. C’est à mes yeux, plus qu’une contrainte, une vraie liberté (évidemment, dans ce choix de vivre la vie « en équipe », on a aussi protégé un minimum, individuellement, matériellement, les deux membres de l’équipe).

Je pense qu’on ne peut pas se lancer dans un projet, quel qu’il soit, si on n’y croit pas à fond (et même un peu plus que ça), si on garde dans un coin de sa tête la possibilité de se défaire de nos responsabilités. C’est donc le cas pour notre vision du couple… Ça n’enlève rien aux difficultés de la vie, mais disons que lorsqu’elles arrivent, on sait qu’on ne peut les affronter qu’en équipe. Ça nous rend fort face à l’extérieur. On sait qu’on va devoir compter l’un sur l’autre. Ça empêche de tergiverser, de se comparer à d’autres, de se demander si l’herbe n’aurait pas été plus verte ailleurs. A mes yeux, l’engagement libère (même si ces mots peuvent paraitre paradoxaux).

C’est pour ça que j’ai du mal avec la question (qu’on ne me pose plus, d’ailleurs) « mais comment tu ferais s’il te quittait ? ». d’abord je crois qu’il serait tout aussi en difficulté si je le quittais.

Ce n’est pas la peur qui doit dicter nos choix (sinon on ne fait rien !). Il n’y a pas d’engagement sans prise de risques. Et j’ai du mal avec la frilosité, les petits choix faits à moitié.

Je sais que ce n’est pas spécialement une vision à la mode, ni promue par le discours ambiant. Mais n’oublions pas qu’au départ, il y a une histoire d’amour, très forte… une entente, une osmose, un plaisir à être ensemble, qui sont la base de tout (même si on ne vit pas un conte de fées H24, évidemment).
 
Le fait d’avoir fait 4 enfants est aussi un choix fort… qui nous engage certainement un peu plus encore.
 
Enfin, je crois qu’on a réussi à se créer un rythme et une qualité de vie quotidienne qui font que notre vie est « agréable ». Les vies aujourd’hui sont de plus en plus compliquées, fatigantes, stressantes… On demande aux couples, aux parents, d’assurer sur tous les plans, aux mères d’être des professionnelles accomplies, d’avoir du temps pour elle, pour leur couple, pour leurs enfants… Je sais que c’est lu et relu mais je le dis à mon tour : ce n’est juste pas possible de cocher toutes les cases.
 
On a fait des choix ensemble, il travaille à l’extérieur, je suis au foyer, ça nous va super bien comme ça (attention, je ne dis pas que l’équilibre a été trouvé en un claquement de doigts, c’est le fruit de longues années de tâtonnements et autres questions existentielles, notamment pour moi), et je ne vois pas comment on pourrait faire autrement pour faire bouillir la marmite ET élever nos quatre enfants ET avoir cette impression de pouvoir profiter de la vie, de ses plaisirs.

Nous sommes tous les deux lancés dans l’aventure entrepreneuriale donc nous avons une vision du couple très égalitariste : chacun accomplit sa tâche avec engagement et passion, il n’y a pas de doublon, je n’empiète pas sur son domaine et lui non-plus, on a chacun notre espace pour s’éclater dans nos passions, mais on se soutient à fond dès qu’il s’agit de notre vie de famille. D’ailleurs, je crois que cet état d’esprit entrepreneurial se retrouve un peu dans le fait d’avoir voulu une famille nombreuse. 

Aujourd’hui je me suis carrément libérée du diktat « la femme doit être une bonne salariée, maitresse de maison hors pair, super maman et souriante en rentrant du boulot le soir après 2h de transport ». Avoir « tout » ne me fait vraiment pas (plus ?) rêver. C’est un vrai cauchemar, au fond, d’être une femme et de devoir vouloir une vie comme ça.

Le fait qu’il n’y ait plus de salariés dans notre famille y joue surement… Le fait d’avoir grandi avec ce même modèle m’aide aussi, ainsi que la conscience chaque jour que j’ai un rôle hyper important dans cette famille, avec plein de satisfactions associées, qu’au fond je ne voudrais échanger pour rien au monde (même pas un salaire), et enfin la conscience que j’ai, avant tout, beaucoup de chance d’avoir cette possibilité matérielle de ne pas devoir être sur tous les fronts.

J’ai aussi très conscience que c’est un modèle qui nous convient à nous, à nos vies, à nos personnalités, et qu’il ne conviendrait pas forcément à d’autres.

Je ne milite vraiment pas pour tel ou tel type de choix de vie… je suis surtout consciente de notre chance d’avoir trouvé notre équilibre.

Je crois que ça rend clairement la vie de couple plus agréable. Mais j’ai conscience que là encore, ce n’est pas un discours à la mode. Pourtant, je me sens très féministe, et mon mari l’est tout autant.
 


Que trouvez-vous beau dans un couple ?


J’aime qu’on grandisse ensemble depuis bientôt vingt ans. J’ai l’impression qu’on se bonifie, que la fusion des débuts (qui a duré beaucoup plus que les fameux trois ans, pour nous !) laisse place à un amour de plus en plus intéressant à vivre avec les années.

Le couple est fait de cycles, il faut être à la fois patient et exigeant, accepter l’autre dans tout ce qu’il est sans renier ses convictions non-plus. Il y a des moments moins faciles, mais on sait avec l’expérience que la roue tourne. Il faut accepter cette attente.

C’est un travail d’orfèvre et je trouve que l’artisanat des débuts devient presque du grand art, à force de pratique. Il y a plein de moments durs, dans le couple. Des disputes, des frustrations, des contraintes à encaisser, le tumulte de l’extérieur dont on doit parfois se protéger.

Mais finalement toutes ces difficultés, je préfère mille fois les partager avec la personne que j’ai choisie, plutôt que devoir les supporter seule. Et puis il me fait tellement, mais tellement rire ! L’humour est super important dans notre couple.

J’ai l’impression qu’on devient plus doux l’un avec l’autre, plus bienveillants avec le temps. Moins dans le jugement. Peut-être que la vie qui passe nous fait réaliser qu’elle est assez dure comme ça pour ne pas avoir à se rajouter un fardeau supplémentaire dans notre vie ensemble. Je crois qu’on s’améliore, avec le temps qui passe, pour optimiser les bons moments ensemble, profiter du moindre petit moment de libre ou sans souci à gérer (et avec quatre enfants on sait que ces moments sont rares) pour avoir des bons moments à deux.

Mais aussi, je crois qu’on se respecte plus individuellement. Je suis moins possessive, je ne lui fais plus de crises quand il part courir toute la journée dans la montagne. Je ne suis pas une victime, en fait, mais actrice de notre couple. Il s’est lancé dans le trail et se prépare régulièrement pendant un an pour un ultra-trail (130 km de course non-stop en pleine montagne pendant plusieurs jours ET nuits), et aujourd’hui, je le soutiens beaucoup plus qu’avant. Je sais que lorsqu’il part réaliser ses défis, ça le rend heureux… et c’est normal que je m’occupe des enfants pendant ce temps et que je le soutienne à fond. Je sais aussi qu’à son retour, il sera reconnaissant, il m’offrira naturellement la même chose, et me permettra de me faire plaisir et m’échapper, à mon tour. Et il gardera les enfants (ce qu’il adore faire à chaque fois, car il les voit moins que moi).

Le positif attire le positif.

Je crois qu’on a beaucoup progressé tous les deux. Il gère aussi de mieux en mieux son stress (qu’il a en nombre… la charge mentale d’un père de quatre enfants qui est le seul à travailler, et en indépendant, je crois qu’on pourrait tout à fait en parler), par égards pour moi et pour notre famille, et je suis assez admirative de ça.

Et puis mine de rien, on a, avec le temps, plein de réussites et de résultats positifs à constater.

On s’aperçoit qu’on ne sème pas pour rien, que les efforts, l’endurance et l’épuisement des premières années avec les enfants découlent sur de belles choses, qu’il y a de belles fleurs qui poussent dans ce jardin ! Ça a du sens, tout ça !

En gros, je ne sais pas si ce sont les quarante ans qui approchent, les enfants qui deviennent plus grands, la conscience que la vie sur terre est dure et parfois absurde (les attentats, la pandémie…) mais on a une conscience beaucoup plus accrue aujourd’hui que la vie est courte, qu’on a la chance d’être en bonne santé, heureux ensemble… On n’a pas envie de se pourrir les moindres moments qui peuvent se présenter.

C’est un petit miracle le couple… il s’agirait de ne pas tout foutre en l’air comme des idiots, comme on donnerait un coup de pied dans un château en lego, si longuement et patiemment construit. 


Je finirai donc par ces mots, que j’aime me rappeler au quotidien : aimer est un verbe d’action, ce n’est pas un mot passif. 
Se marier ce n’est pas dire « je t’aime », mais « je t’aimerai ». C’est se promettre non pas aucun difficulté, mais qu’on se soutiendra quand elles arriveront.


Et rien ne me plait plus que le « ti voglio bene » italien. Plus que « je te possède », il dit tout simplement : « je te veux du bien ».


– Merci infiniment Marine !

Propos recueillis par Victoire Eyraud

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