Se relancer dans des études longues et exigeantes en parallèle d’une vie de famille, suivre sa voie intérieure et travailler à devenir soi… Marie a 34 ans et vit en Afrique avec son mari et ses trois garçons. Elle témoigne pour le Caféminin de sa reconversion, aux allures de retour aux sources plus que de réinvention.
« Bachelière, j’hésite une première fois avec la psychologie. Mais mon étiquette de « mauvaise en math » (en psycho il y a beaucoup de stats…) ainsi que la réputation assez laxiste de la fac de psycho à l’époque me poussent à m’orienter vers une licence d’histoire de l’art, en me disant « je verrai bien après». À la suite de cette licence je prépare les concours de journalisme, puis je me dirige vers la communication (L3 + M1 à l’Iscom et M2 au Celsa).
Diplômée, mariée et dans une petite ville de province je me tourne vers le graphisme. En parallèle je suis bénévole dans une association dans les cités. Ce bénévolat a joué un rôle déterminant dans mon envie de me reconvertir. Quelques années passent, un premier enfant et je me projette… Est ce que vraiment, dans 10 ans, je me vois toujours en train de réaliser des faire-parts de naissance ? La réponse est non, et je sens au fond de moi que ce qui m’anime vraiment, ce qui m’oxygène, c’est le contact avec les gens, leurs histoires, leurs émotions, leurs évolutions.
J’ai besoin d’un métier qui ait du sens pour moi, qui « produise du bien », du meilleur en chacun. Quasiment 10 ans après mon bac je retourne donc vers mon premier choix, et je repars sur les bancs de la fac. Un master de psychologie de A à Z, 5 ans d’aventure personnelle et familiale !
Quand je raconte mon parcours je parle toujours d’une décision que l’on a prise avec mon mari. Et très souvent on me demande ce que mon mari vient faire dans un choix aussi personnel. Justement, ce n’est pas une décision si individuelle que ça… Certes c’est moi qui retourne à la fac, mais c’est tout un système familial qui est impacté à différents niveaux : la disponibilité d’esprit et la disponibilité tout court, un coût financier sans rentrée d’argent en contrepartie, etc.
Ma plus grande inquiétude a été celle de ne pas être prise en master à l’issue de ma licence, ce qui aurait signifié stopper net ma reconversion sans issue possible. Mais plus que des inquiétudes, j’ai eu beaucoup de doutes au fur et à mesure du parcours.
Est-ce que je vais être à la hauteur ? Une fois l’école quittée, on perd l’habitude d’être noté tout le temps. Et en psycho les partiels sont vraiment des concours déguisés, ce qui génère beaucoup de stress pour les étudiants.
Est-ce que c’est juste d’imposer ce rythme-là à mes enfants ? L’impression d’être toujours décalée par rapport aux autres femmes de mon entourage, sans métier mais pas mère au foyer non plus…
Heureusement, pratiquer la psychologie en stage a été une grande source de motivation. À chaque fois, je me sentais parfaitement à ma place et cela me confortait dans ma décision.
On pourrait croire qu’une reconversion est une réinvention, mais ce n’est pas ce que j’ai ressenti. Évidemment j’ai réinventé mon mode de vie et ma vision du monde, avec tout ce que j’ai appris, mais plus qu’une réinvention me reconvertir a été une sorte d’adéquation avec moi-même, d’homéostasie intérieure. Je ne me suis pas réinventée, je n’ai pas changé, j’ai arrêté de me cacher, je me suis enfin écoutée.
Ma reconversion ne fut pas un long fleuve tranquille de sérénité : fatigue, manque de confiance en soi, culpabilité, doutes, syndrome de l’imposteur, beaucoup de sacrifices, quelques batailles intérieures et extérieures (merci l’administratif universitaire)… J’avais beaucoup de mal, pendant toutes ces années, quand on me disait « tu es courageuse ! ». Car je me disais « quel courage y a-t-il à vouloir le mieux pour soi ? Ce n’est pas évident tous les jours, mais je l’ai voulu. »
J’ai aussi voulu mes deux autres enfants pendants mes études. Je n’ai pas voulu les absences de mon mari pendant mes partiels, mais je savais que ça pouvait arriver. Maintenant je conçois un peu plus le courage dans le fait « d’agir malgré les difficultés et de mettre beaucoup d’énergie dans l’action »… Mais je crois que je n’aimais pas que l’on me mette sous le nez les difficultés, car je m’estimais surtout incroyablement chanceuse !!!
On vient pour se trouver et on y laisse un peu de soi malgré tout. Toute bricoleuse le sait, il faut décaper avec application avant de repeindre. Mais ce qui compte vraiment c’est la finalité, et avoir la chance de trouver l’équilibre entre ce que l’on est et ce que l’on souhaite.
Ce qui est fou c’est que la recherche de cet équilibre est contagieux. Nous avons depuis repensé et questionné de nombreux choix dans notre vie avec mon mari, et nous n’avons pas fini de le faire. »
– un immense merci Marie pour ton témoignage.
Marie : vouloir le meilleur pour soi.
