Lettre à ma belle famille.

Lettre à ma belle-famille,


Je ne peux pas. Franchement, j’ai essayé. Mais je n’y arrive pas. Décidément, je ne vous comprends pas et j’ai comme le sentiment amer et désespérant que je ne vous comprendrai jamais. C’est en vous côtoyant que je comprends ce qu’est le lien de sang. Ou plutôt, la facilité du lien lorsqu’on a grandi ensemble. Il y a quelque chose d’évident, de connu, de plus facile. Tout ce que je dois appréhender et tisser avec vous, ma belle-famille, est déjà là chez les miens.

Chez vous tout s’est créé sans moi, je me rajoute. Ne pas comprendre ce qui a tissé tous vos liens m’empêche, me bride et me laisse dans l’incompréhension la plus totale. Les piques et les indélicatesses se finissent en « tu crois que j’aurais dû répondre ça » ou en «je ne leur parle plus, de toute façon ».

Mais un jour, il faut bien se remonter les manches. Tricoter une relation, tantôt chaleureuse, tantôt distante, qui prend soin de chacun mais laisse libres tous. Composer avec ceux que nous n’avons pas choisis et n’aurions probablement jamais choisis est une aventure mystérieuse, mais qui peut devenir avec le temps plutôt riche. Et un jour, se surprendre à avoir passé un chouette moment avec sa belle-sœur, avoir ri avec son beau-père ou échangé en vérité avec sa belle-mère.

Accepter que faire famille avec ceux qui n’ont rien de familier est un exercice. Car entre tout ça, il y a l’autre. Celui que nous-même on a choisi. Celui qui a besoin qu’on fasse corps, un minimum, avec ceux qui font de lui l’homme qu’il est aujourd’hui.

Quand je vous vois, je perçois bien que c’est vous qui l’avez façonné. Ses convictions, son caractère, ses doutes, ses besoins. Son désir de ne-surtout-pas-faire-comme-chez-lui ou sa clairvoyance distinguer ce qui a été bon.

Parce que vous l’avez aimé en premier, parce que vous connaîtrez toujours une réalité de lui que je ne connaîtrai jamais, je vous aime. Parce qu’en aimant, et en étant au clair sur ce qu’on souhaite donner ou ne pas donner, on est libre. Libre de reconnaître la force de ce lien, qu’il est possible de renier par amour, mais qu’il ne convient peut-être pas toujours de renier. Par amour.


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