
Il est dimanche soir et vous savez quoi ?
Je rêve d’un monde où les parents seraient fiers de répondre « rien » quand on leur demanderait ce qu’ils ont fait de leur weekend. « Rien, absolument rien, les enfants se sont ennuyés toute la journée. » Ou répondraient quelque chose à peu près de ce genre : » Je ne sais pas. Je crois qu’ils ont joué vaguement avec des cailloux et des bâtons. »
Je rêve que ce soit la norme, ce rien, cette simplicité, cette sorte de détachement par rapport à l’emploi du temps de nos enfants, cette recherche du moins.
Nous connaissons tous le fameux « less is more » qui fleurit sous certains posts et devient même le fer de lance de comptes à tendance minimaliste. Mais le moins est-il vraiment le mieux ? Et pourquoi donc ?
Accueillir un bébé simplement et comme on l’entend, est-ce encore possible ?
Ça commence dès la grossesse. Echarpe de portage à la mode, biberon physiologique, poussette tout terrain, tapis d’éveil Montessori, chauffe-biberon et compagnie. La liste des « must have » d’une jeune maman ne cesse de s’allonger. Mais savons-nous encore faire la différence entre ce dont nous avons réellement besoin et ce que les marques veulent nous vendre ?
Nous nous interrogeons sur le fait que tous ces objets extrêmement usinés et techniques ôtent notre capacité au bon sens et à l’adaptabilité. Combien de mères se sentent démunies quand elles ont oublié tel ou tel objet ? Quand, pourtant, elles sauraient pertinemment faire sans et surtout autrement. Les sacs à langer n’ont de cesse de s’agrandir et s’alourdir pour accueillir tous ces nouveaux objets rendus indispensables dans nos modes de consommation.
La confiance en maternité ne se met plus en nous mais dans une liste de choses que nous acquérons.
Où est notre bon sens ?
Où est notre adaptabilité ?
Où est notre simplicité ?

Pouvons-nous élever nos enfants sans jouets dernier cri ni matériel éducatif nouvelle génération ?
La période Noël est propice à l’étalage de catalogues et publicités de jouets de plus en plus pointus et ressemblant en tous points à la vraie vie. Les couleurs sont attirantes, les fonctions nous conquièrent, les détails sont bluffants. Devons-nous nous émerveiller de cette ingéniosité et cette évolution constantes des jeux pour nos enfants ? Devons-nous réellement y voir un progrès ?
Le premier argument que nous pourrions y opposer est le risque d’une plus grande déconnexion de nos enfants avec le réel. Nos modes de vie très citadins ont profondément déconnecté nos enfants de la nature et de l’expérience spontanée de la vie. Les cours d’école sont bétonnées, les sorties de moins en moins autorisées, les parcs de jeux hyper sécurisés. Si, en plus, nous offrons à nos enfants des jeux reproduisant tout ce qu’ils n’expérimentent pas dans la vie extérieure, comment développer leur envie, leur autonomie et leur bon sens de manière spontanée ? Qui a besoin d’aller chercher ailleurs ce qu’il trouve déjà chez lui ? Comment attiser la curiosité de nos enfants pour la vraie vie quand leurs jeux la recréent parfaitement ?
L’autre argument empirique que nous opposerions est que les enfants se lassent extrêmement vite d’un jeu qu’ils ne peuvent utiliser que d’une seule manière car trop précis et raffiné. Les enfants n’aiment rien autant que détourner leurs jouets. Combien de bâtons se transforment en épée ? Combien de draps sont devenus des robes de princesse ? Combien de cubes en bois finissent empilés pour créer maison, zoo, château et autre construction ? Alors que si les déguisements sont excessivement pointus, le jouet n’est utile que pour une situation très particulière, vous ôtez le plaisir propre à chaque enfant de détourner, inventer, recréer à partir de rien.
Le TROP a également fait sa place dans les activités éducatives. Nous vivons avec l’impératif d’occuper et d’optimiser nos enfants. Il faut qu’ils développent telle ou telle capacité en faisant telle ou telle activité. Il n’y a qu’à voir l’étalage du matériel estampillé Montessori qui propose en 3 clics à 200€ de rendre votre enfant autonome tout en développant ses capacités sensorielles et sa motricité fine. Le matériel remplace l’humain, allant justement à l’encontre du fondement de la pédagogie Montessori qui valorise avant tout le relationnel. Nous avons besoin de moins de choses mais de plus de connexion.
Nous oublions de donner à nos enfants du temps et de l’ennui. Deux éléments pourtant fondamentaux pour la construction de leurs jeunes cerveaux. Car si nos enfants sont inactifs extérieurement, leur cerveau est profondément actif lui et ordonne, construit, connecte tout ce qu’il a précédemment enregistré. Valorisons à nouveau le « rien faire ».
« Moins de jouets, moins d’activités extrascolaires, moins d’écrans, plus de jeux libres, moins d’activités dirigées par un adulte, plus de nature et de temps de rêveries. » ; « Il s’agit simplement de rendre à nos enfants du temps, de la liberté, de la connexion avec le monde réel, ainsi que la possibilité de se reconnecter à soi. Il s’agit de simplifier la vie de nos enfants, de retirer les activités superflues, pour la rendre riche et de meilleure qualité« , préconise Céline Alvarez, dans son livre « Les lois naturelles de l’enfant »

Finalement, comment investir le moins autrement que dans le matériel ?
Par le silence, l’absence de commentaires et un environnement épuré. En effet, le TROP ne concerne pas que les objets, il a également envahi notre espace sonore et visuel. Nos enfants baignent dans un environnement de bruit en permanence : radio, télévision, musique, histoires audio, paroles, questions, comptines. Leur regard est saturé d’images et d’objets retenant leur attention. Et si nous offrions à nos enfants des temps de repos et de rien visuel et sonore ?
Elisabeth de @rubancassette nous confirme : « Depuis que je suis maman, j’adore le silence. Autant je l’apprécie pour contrebalancer l’énergie magnifique et intense de mes trois enfants qui jouent, autant j’adore le pratiquer dans mes interventions auprès d’eux. En me retenant de commenter constamment, et parallèlement, en réduisant le « bruit » de la vie moderne en leur offrant le luxe du MOINS (…). Je leur parle beaucoup, discute de la vie et de diverses situations avec eux, c’est certain. Mais souvent, dans une multitude de situations, le silence est une force que je cultive.«
Pour Noël, si nous nous faisions le cadeau du moins ?