« Le goût du bonheur », par Matthieu Chauvin

« Le plus beau cadeau que l’on puisse faire à quelqu’un, c’est lui permettre de se souvenir du goût du bonheur à un moment, enfant. Car il en gardera toute sa vie le parfum. »
 
Nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec Matthieu Chauvin, père de six enfants et marié depuis 35 ans. Après avoir longtemps été intermittent du spectacle, Matthieu vit aujourd’hui de son atelier d’artisan verrier, qu’il partage avec son épouse, à côté de Lyon.

 
Nous avons eu envie de lui poser cette question : est-il encore possible, à notre époque, d’offrir à ses enfants une enfance heureuse dans la simplicité, et si oui comment ? 

« Oui c’est possible, et c’est même souhaitable. La simplicité est la capacité à vouloir UNE chose, et à la vouloir vraiment. On peut avoir plusieurs désirs, mais être simple c’est savoir vouloir une chose, entièrement, sans la mettre en balance.
 
Je pense qu’aujourd’hui, mais comme depuis la nuit des temps, on a tendance à se poser des questions, trop de questions. Internet y est certainement pour quelque chose, mais avant c’était la télévision, encore avant les livres… Le désir humain est infini ! Aussi vivre dans la simplicité c’est accepter la sobriété, qui je pense est favorable à la construction de la personnalité.
 
Il faut distinguer cette sobriété de la misère, qui est subie et terrible. Quand le monde se ferme à vous, qu’il vous est impossible de faire des choses, cela ne relève plus de la simplicité.
 
Je vais prendre l’exemple le plus évident d’un choix simple : vouloir aimer une femme, c’est n’en aimer qu’une. Vouloir qu’elle nous soit fidèle tout en allant courir après les autres, c’est laisser libre cours à un désir qui n’est pas simple, et qui débouchera inévitablement sur un chagrin.
 
Mais il est dangereux de voir toujours les choses sous l’angle de la morale… La morale n’est pas première, elle n’est pas une fin en soi : elle est une construction, le fruit de l’expérience concrète de choses qui ne sont pas bonnes, expérience transformée en règle. Elle est comme un raccourci, qui nous permet de contourner certains obstacles. Mais si on oublie ce sur quoi elle est fondée, elle devient insupportable ! Elle n’est plus qu’une brimade qui nous empêche de vivre. »

 
Mais comment élever ses enfants à cette simplicité qui n’est pas seulement matérielle alors, qui est aussi une simplicité du cœur ? Faut-il les faire grandir dans une bulle pour limiter leurs désirs ?
 
« Dans un premier temps, la « solution de la bulle » est confortable et parfois utile. L’enfance est une période de construction de la personnalité et de structuration de l’intelligence, elle est extrêmement importante. Il est donc nécessaire de la protéger, comme l’on se sert d’un tuteur ou d’une serre pour une plante. 
 
Mais il ne faut pas se leurrer : la sobriété, c’est crucifiant. Tous les adolescents pensent qu’ils sont moins bien lotis que les autres, même si les modes changent… Or on veut nécessairement que nos enfants soient heureux. Mais pour moi la notion de bonheur est entre autres liée à la notion de sécurité, une sécurité de trois sortes.
 
D’abord la sécurité spirituelle : savoir quelle est notre place dans le monde, et pour le chrétien que je suis savoir que le Bon Dieu nous aime et qu’il ne nous lâchera jamais.
 
Ensuite la sécurité affective : savoir que quelqu’un nous aime. Qu’il s’agisse de nos parents mais aussi de nos frères et sœurs, de nos grands-parents ou d’autres, la sécurisation vient de ce lien affectif dans lequel on a confiance.
 
Enfin la sécurité matérielle : cela vous choquera peut-être, mais je ressens d’autant plus fortement ce besoin chez les femmes. Sans doute parce que repose sur elles, depuis la nuit des temps, la dimension pratique de la prise en charge des enfants petits… Peut-être est-ce aussi lié au cycle féminin, qui fait que périodiquement la femme subit des contraintes auxquelles elle ne peut échapper et qu’elle doit gérer correctement. Tout cela la rend sans doute plus sensible et attentive aux contingences du quotidien. »
 

Vous dites donc que l’argent ne fait pas le bonheur, mais que la sécurité matérielle n’est pas anodine. Comment avez-vous vécu familialement ce paradoxe ?
 
« Nous n’étions pas partis pour être toujours retenus par des questions d’argent ! Mais il se trouve que la case financière n’a jamais été le moteur de nos choix… Dans un monde où 80% des gens font 80% de leur choix pour des raisons financières, cela fait-il de nous des marginaux ?
 
Nous avions accepté cet état de fait dès le départ, et comme cela se passait bien nous n’avons jamais été amenés à le remettre en cause… Mais, pour les raisons évoquées précédemment, je pense que mon épouse a vécu avec plus d’acuité que moi cette limite de nos moyens financiers.
 
Concrètement, nous nous habillions chez Emmaüs et n’avons jamais acheté de voiture neuve, par exemple. Mais nos sécurités spirituelles et affectives étaient solides, et notre vie nous permettait d’être proches de nos enfants.
 
Je pense que nous avons même vécu des choses que les gens riches n’ont pas le temps ni le loisir de vivre ! Des excursions en camping sauvage comme nous n’avions pas les moyens de louer une maison, d’infinies balades dans la nature… Pour cette même raison je crois que nous n’avons jamais emmené nos enfants au ciné ou au théâtre, mais qu’en revanche nous avons dû faire tous les musées et les églises de France !
 
Ces souvenirs sont profondément joyeux, ils n’ont rien de tabou. Cette simplicité n’était pas vraiment organisée, mais elle était acceptée joyeusement. Il ne s’agissait pas de se pourrir la vie : c’est toujours plus facile pour les pingres d’être sobre. Nous avons toujours veillé, je crois, à avoir les outils dont nous avions besoin. On a tous besoin des outils de notre métier, et gérer une famille en est un, assurément ! Mais je pense qu’il est bon savoir laisser les outils à leur place, pour laisser la place à d’autres choses plus grandes. »

 
Un immense merci, monsieur Chauvin, pour votre temps et votre gentillesse !

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