L’alimentation est une relation.

Qui ne se souvient pas de cette délicieuse odeur de café que faisait chauffer son père le matin, très tôt, bien avant notre réveil. Qui peut oublier l’odeur des crêpes, un dimanche après-midi d’automne, quand la théière fumait et le beurre rissolait. Comment ne pas revenir en enfance lorsque cette odeur de poulet rôti ou d’oignon saisit dans la cocotte surgit d’une cuisine, pourtant banale et quotidienne. Et oui, la cuisine, mais bien au-delà, le fait de se nourrir, de manger, ne peut exister sans l’histoire que l’aliment ou le plat transporte avec lui. Nous aimons particulièrement manger ce gâteau qui nous rappelle ce souvenir, cette relation. C’est la Madeleine de Proust, précisément !
 
Notre lien avec la nourriture est forcément relié à ceux qui nous ont mis en lien avec elle. Initialement la mère qui allaite, puis les parents, les grands-parents, les amis. Ce lien-là unit, mais il peut aussi, bien-sûr, désunir. Chargé d’amertume, de disputes, puis d’angoisse, les moments de repas, sont parfois aussi le lieu du conflit, des non-dits, ou de l’aigreur. Manger quelque chose, c’est accepter de mettre en nous un peu des personnes avec qui nous avons commencé à manger puis avec qui nous avons souvent partagé, finalement. C’est intérioriser ces liens qui nous ont introduit à la nourriture. Tous ceux qui aiment manger, qui aiment cuisiner, aiment souvent partager, rire et parler à table.
 
L’alimentation et le plaisir qu’elle suscite est une relation. Il s’agit de deux plaisirs qui se rencontrent, qui se cherchent mais qui parfois ne se trouvent pas. Si cette scène de la vie courante, pourtant tellement habituelle, nous a été présentée avec plaisir et joie, elle pourra s’inscrire en nous ainsi. Il suffit d’ailleurs d’entendre des récits d’adultes raconter leur façon de percevoir la nourriture depuis qu’ils sont enfant pour s’apercevoir que ces schémas sont ancrés. La coloration affective liée à l’alimentation est immense. Quand on me demande si on doit forcer un enfant à manger, et imaginer, par conséquent des repas agités, conflictuels et dénués de tout plaisir partagé, je réponds toujours que ça n’en vaut pas la peine.

Une assiette non terminée ne mérite une conflictualisation de ce moment. Je propose plutôt de se désintéresser de cette assiette non vidée et de parler de la journée passée. Pour nos enfants, les relations doivent se détendre autour de l’assiette pour qu’en grandissant, ces souvenirs désagréables ne surgissent pas autant de fois que l’assiette arrivera dans leur journée.
 
Notre relation avec l’alimentation ne serait finalement pas aussi une question de coïncidence des plaisirs ?

Lénaïg Steffens

Articles recommandés