Victoire Eyraud 
« J’aimerais bien qu’on parte… »
« Ah ouais ? Bah ça tombe bien, c’est samedi qu’on part chez tes parents, non ? »
– Soupir…
Non mais qu’on parte, qu’on se casse, qu’on se barre, qu’on mette les voiles. Qu’on plante nos jobs, la paperasse, nos kids et nos obligations. Qu’on aille ailleurs, dans un endroit où je ne suis jamais allée, voir l’écume, les cimes et les lumières de la ville. Qu’on picole un peu et qu’on commente l’allure des gens, qu’on pique-nique sur un toit, une plage déserte ou en haut d’un sommet, qu’on aille dîner dans un restaurant très chic, que je mette une robe très décolletée et du rouge à lèvres très rouge, que tu me murmures à l’oreille que je suis superbe et que j’aie l’impression, le temps de quelques heures, d’être l’héroïne d’un de ces films…
« Ah oui !… Ok, si ça te fait plaisir ! »
– Re-soupir…
Pourquoi le voulons-nous, souvent, plus qu’eux ? Pourquoi l’idée vient-elle (presque) toujours de nous ? Pourquoi ont-ils tant de mal à saisir cet impérieux besoin que nous avons de briser la routine ?
La routine, eux, ne les dérangent guère. Ils y trouvent peut-être même une forme de bien-être et sont heureux, tout simplement… Peut-être arrivent-ils plus facilement à débrancher certains fils, à fermer certains tiroirs pour profiter de l’instant.
Peut-être est-ce parce que nous nous chargeons bien souvent de tout, tout le temps. Que notre tête est en permanence si pleine et nos épaules si lourdes que nous avons besoin, pour tout envoyer balader, de quitter notre scène quotidienne. D’éteindre les lumières et de relever le rideau sur un tout nouveau décor, d’enfiler un autre costume et de devenir, quelques heures ou jours durant, une autre femme.
Cette autre femme que nous imaginons en voyage, c’est finalement une autre version de nous-même. Cette version originelle et apaisée, détendue, amoureuse et sensuelle, libre et contemplative. Cette femme, peut-être, dont il est tombé amoureux.
Alors, la prochaine fois qu’elle vous demande de partir…emmenez-la. Et vite 😉
