✍🏻 par Félix, prof de philo entouré d’amis précieux.
« Rien ne semble plus faux que l’adage selon lequel « On ne choisit pas sa famille mais on choisit ses amis. »
Montaigne a-t-il choisi La Boétie ? L’élection de Tintin pour le capitaine Haddock était-elle volontaire ? La relation de Chandler et Joey est-elle le fruit d’une délibération ?
Les amitiés semblent plutôt affaires de rencontres, de circonstances, d’affinités et d’expériences. Mais de choix ? Décide-t-on de devenir amis comme on décide d’acheter une maison ou une voiture ?
Aristote définit la spécificité de cette relation comme « la bienveillance réciproque connue des deux amis ». Être un ami pour quelqu’un c’est vouloir son bien. Quelle responsabilité ! L’amitié devient l’espace où il faut savoir, parfois, parler en vérité à l’autre, parce qu’on veut pour lui le meilleur.
L’amitié ne peut alors se concevoir sans courage. Parce qu’il faut réussir à ne pas se laisser aller à la complaisance facile qui ne cherche qu’à plaire et non à aider.
Mais pour pouvoir être entendu, il faut savoir faire preuve de discernement : en effet, qu’attend-on de la discussion avec un ami sinon le regard de celui qui nous connaît mais qui peut juger de la situation d’une façon un peu plus extérieure, un peu plus apaisée ?
De telles dispositions demandent du temps et de l’énergie, une confiance réciproque et on prend aisément conscience qu’on ne peut pas le faire avec tous. C’est peut-être là que le choix dans l’amitié intervient.
Avec qui sommes-nous capables de consacrer ce temps ? Pour qui sommes-nous capables d’un tel investissement ?
La véritable amitié prend du temps et résiste au temps. Pas seulement parce qu’il faut apprendre à se connaître l’un l’autre, mais aussi parce qu’il faut développer de façon réciproque ces qualités, de manière ajustée à l’un et à l’autre. N’est-ce pas alors dans la certitude de cette exigence réciproque qu’on reconnaît un véritable ami ?
Choisir son ami, c’est lui donner une place particulière et chercher avec lui son bien. Au fond, choisir c’est choyer celui qu’on a choisi et qui a choisi lui aussi de nous choyer. »
Choisit-on ses amis ?
