Belle. Douce. Merveilleuse. Magique.
Avez-vous remarqué qu’on ne se souhaite plus beaucoup, tout simplement, une « bonne » année ?
Elle m’interpelle, cette palette de nouveaux adjectifs, cette surenchère dans la recherche de l’originalité, du bienveillant, du plus doucereux et moelleux possible. Comme si l’on posait un filtre sur notre parole. Comme si l’on voulait en gommer toutes les aspérités pour la rendre lisse et irréprochable.
Et puis elle m’interpelle, cette disparition des simples « bon » et « bonne ».
Je n’y vois pas seulement le désir d’échapper à la banalité, de renforcer le sens de mots soigneusement choisis pour leur donner plus de poids : je te souhaite une « belle et douce journée » parce que vraiment, je le pense, pas comme lorsque je lance le si anodin « bonne journée ».
Mais j’y vois aussi la tendance de notre époque à exalter l’esthétique tout en effaçant discrètement la morale.
Parce que vouloir que quelque chose soit bon c’est accepter l’idée d’une norme à définir ensemble, objectivement, qui établirait une frontière nette entre le bien et le mal. Pas vraiment l’ère de notre temps qui ne cesse de rappeler que l’essentiel est d’agir comme on le ressent et d’être fidèle non à une loi morale mais à soi-même.
Et si céder à la séduction des « douce soirée », « merveilleuse année » et « belles fêtes » c’était s’engluer dans l’émotion pure, le subjectif, le relatif ?
Et si redonner ses lettres de noblesse à la bonté c’était embrasser l’intelligence, la conscience et le cœur ? Prendre le risque de croiser quelques règles rapeuses et de se heurter à quelque chose qui ne dépend pas seulement de notre ressenti mais qui nous dépasse et nous élève ?
Alors, au Caféminin, nous vous souhaitons une année bonne comme le pain qui sort du four, avec sa mie tendre mais aussi (surtout ?) sa croûte rugueuse !