
Avant, j’avais des idées.
Non, pas ces fameux principes que l’on enterre aussi vite que les résolutions de janvier. Je ne pense pas aux tétines, au cododo ou à l’excès de dessins animés.
Mais, plus profondément, à ce que signifie être mère.
Donner la vie, aimer, éduquer.
Avec quelle immense naïveté me suis-je imaginé que ce serait facile, naturel, évident ? Qu’il suffisait d’écouter, de piocher à droite et à gauche, de reproduire, de se faire confiance ?
Je suis de cette génération de déconstruction de l’instinct maternel. Cette époque où la mère dit tout, montre tout, poste tout, dénonce tout. Le ventre flasque après l’accouchement, le biberon assumé, les peurs et les pleurs, l’immense fatigue et l’immense envie de solitude, les pâtes un peu trop souvent et les devoirs fait sur la table du petit déjeuner
Alors quoi, la transparence ne tient pas ses promesses ? Les milliers d’articles, de livres et de photos ne suffisent pas à déculpabiliser, rassurer, aiguiller ?
Il semble que ce qui se joue dans l’expérience maternelle soit si intime, nous creuse si profondément, que les égarements du temps, les erreurs et les réajustements fassent partie intégrante de l’aventure.
Tout ce que j’ai ressenti, pensé et découvert, je peux en parler longuement.
Que cet enfant que tu chéris plus que tout fait bien souvent vaciller tes capacités de bienveillance. Que parmi ces enfants que tu chéris pareillement, celui-ci t’est plus proche, moins mystérieux, moins difficile. Que les valeurs éducatives réfléchies et choisies à deux sont bousculées chaque jour par les petits combats et les désaccords.
Je peux en parler, mais j’ai aussi touché du doigt la limite de la parole, du partage et du conseil. La limite des idées.
Parce qu’être mère, finalement, ce n’est pas une nouvelle carte d’identité ou une belle photo qu’on encadre et affiche une fois pour toutes. Ce serait plutôt un puzzle, que chaque jour, on complète un peu. Regarder le puzzle d’à côté n’est jamais une bonne solution pour avancer le sien. Chacune suit son ordre et son rythme. Parfois on avance vite, parfois on sèche, pendant longtemps, mais on ne renonce pas et on s’attable.
Parce qu’on sent, par-dessus tout, que ce jeu-là en vaut la peine !