« Au nom de l’amour » – le témoignage de Jean H.

Jean H. a 24 ans et a été accro à la pornographie.
Nous lui avons demandé de témoigner. Il nous a écrit ce texte puissant.

« Une parole. 

Celle de l’excellent Edouard Baer dans une interview Konbini « Fast & Curious ». Alors qu’il doit choisir entre « sexe » et « amour ». Il répond, surpris : « Vous-voulez dire qu’il y aurait un sexe sans amour ? Je suis très choqué, je ne comprends pas, on n’est pas de la même génération du tout. »

C’est sans doute l’un des nombreux dangers de la pornographie. Une soi-disant histoire d’amour, sans histoire et sans amour.

Où sont passés les récits, les regards, les paroles, les gestes de tendresse, bref tout ce qui fait l’amour ? Et pourquoi, à l’heure de la chasse aux fake news, laisse-t-on nos jeunes générations1 s’abreuver devant ce contenu mensonger ? La sexualité et l’affectivité y sont présentées comme des questions de performances techniques et de connaissances théoriques. Comme si l’on avait oublié qu’une relation amoureuse, c’est avant tout une relation, un dialogue amoureux fait d’imprévus et d’émotions. Comme si l’on avait oublié la joie de découvrir à deux, au moment venu.

Comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’ai cru pouvoir trouver dans la pornographie, des réponses aux questions profondes qui habitent le cœur de l’Homme.

Ma connaissance sur la sexualité s’étant limitée à un cours de SVT balbutiant et au langage parfois cru des vestiaires de rugby. Petit à petit je me suis laissé prendre dans cet engrenage du porno, où tout est conçu pour rendre accroc. 

Au bout d’un moment, j’ai commencé à sentir que ça ne comblait mon cœur, mais l’addiction était plus forte. 


Une parole. 

Celle de mon père. Une parole de vérité, qui rejoignait le cœur de l’ado que j’étais, et qui m’expliquait que l’amour ce n’était pas ça. Ses mots m’ont aidé à conforter ma volonté de rompre avec la pornographie.

Ça donne un shot de plaisir éphémère, mais ça ne rend pas heureux.

En consommant du porno et en se masturbant, on fuit ses émotions (négatives) au lieu d’apprendre à les accueillir. Un shot de plaisir pour se détendre et hop, on met tout sous le tapis. Le jour où ça remonte à la surface, on est face à une montagne, à laquelle s’ajoute l’incapacité de gérer les émotions. 

Cela fait plusieurs années que je n’en regarde plus. C’est la bonne nouvelle : le porno est un piège, mais on peut s’en sortir à condition d’être lucide et de s’en donner les moyens. Désormais, je suis libre et cela me réjouit. 

Depuis cinq ans, après une formation en fac de médecine sur les addictions, j’interviens dans des collèges et des lycées pour échanger avec les générations plus jeunes.

Je cherche à leur proposer un autre chemin, celui de l’amour comme une relation qui se tisse au fil du temps, avec liberté. Alors que la société pousse un discours à sens unique, je leur parle de connaissance de soi, d’acceptation des émotions, d’amour et de relation. Je soumets à leur regard critique les facettes cachées de la pornographie : les violences des actes commis et les souffrances profondes engendrées, la dégradation de l’image de la femme, les mécanismes mis en place pour rendre les consommateurs dépendants, etc. Et ce jusqu’au catastrophique et méconnu bilan carbone du porno. En 2019, on estime qu’à l’échelle mondiale le visionnage de vidéos porno a émis 80 MtCO2 – l’équivalent des émissions de GES (gaz à effet de serre) de l’habitat en France2


Il est vital d’offrir aux jeunes générations une parole de vérité sur la pornographie, loin des discours sur une « sexualité en mode d’emploi » que proposent Netflix ou France TV Slash, … 

Permettre aux jeunes, à nos enfants, de choisir ce qui est beau, vrai et bon en leur offrant une parole libératrice. L’enjeu de cette parole, c’est de leur faire (re)découvrir l’amour. »



– Merci beaucoup Jean !



1  On estime que l’âge de la première confrontation à du contenu pornographique en moyenne en France se situe entre 9 et 13 ans.
2  Source : The Shift Project, 2019

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